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Le blog de Philippe Bensimon
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15 novembre 2007

Marketing politique et contrôle de l'image : Sarkozy dans "60 minutes" sur CBS


Sarkozy dans "60 minutes" sur CBS
Vidéo envoyée par jujutla
Vidéo sous-titrée par le site www.imedias.biz Extrait de l'émission "60 minutes" diffusée le 28 octobre 2007 sur CBS. Au cours du reportage, vous allez voir Nicolas Sarkozy, visiblement agacé, insulter notamment son conseiller David Martinon, qui lui a recommandé d'accepter l'interview. A la fin Sarkozy quitte de façon brutale le plateau de l'émission. Voici le commentaire que Guillemette Faure (Rue89.com) fait de la scène : "Nicolas Sarkozy lève les yeux au ciel. « Quel imbécile ! » Au beau milieu de son interview avec la chaîne CBS, il décroche le micro de sa veste et se lève. « Au revoir, merci… », dit-il en tournant les talons. Lesley Stahl, la journaliste, défend la question qui semble avoir provoqué le départ du président français : « What was unfair ? », « Qu’est-ce que j’ai dit de déplacé ? » Il répond sèchement, avec un geste de la main : « Allez ! » C’était avant l’annonce du divorce, la question portait sur le sujet sensible. C’était la bande-annonce (1) du magazine d’information « 60 Minutes », diffusé dimanche soir sur la chaîne CBS. Au cours du programme, on le voit de mauvais poil pendant la séance de maquillage, puis refuser de mettre un micro pendant une interview dans un avion. L« imbécile », à en croire le commentaire de la chaîne, n’est autre que son porte-parole, David Martinon. CBS avait annoncé un spécial « Sarko l’Américain » qui, contrairement à ce que dit la voix-off de la bande-annonce, n’est pas le surnom que les Français donnent à Nicolas Sarkozy, mais celui que… Nicolas Sarkozy donne à Nicolas Sarkozy. Cela remonte au printemps 2004. Le ministre du Budget d’alors, en visite aux Etats-Unis, lance devant une association juive américaine : « Certains en France m’appellent Sarkozy l’Américain et j’en suis fier… » Depuis, du Boston Globe au L.A Times, la presse américaine a repris l’expression (à laquelle on peut rajouter, pour compléter la sainte trinité de l’américanophilie présidentielle : « Il écoute Elvis Presley » et « Il est allé en vacances aux Etats-Unis »). Cet auto-surnom « a fait des miracles » pour son image aux Etats-Unis, s’amuse un journaliste américain. Car pour séduire la presse outre-Atlantique, Nicolas Sarkozy n’a pas eu à déployer beaucoup d’efforts. Et a souvent donné l’impression de ne rien faire pour la courtiser. Au contraire. En septembre 2006, alors qu’il vient décorer le patron de la police de New York, une journaliste du Daily News lui demande une interview lors du cocktail. « Ne bougez pas, je reviens », lui répond-il. Une heure plus tard, elle s’est fossilisée près du buffet. Le ministre français est parti s’entretenir avec des journalistes français. Au cours du même séjour, il décline une invitation du service des éditoriaux du New York Times, qui souhaite rencontrer le candidat à la présidence. Un an plus tard, à l’occasion de l’Assemblée générale de l’ONU, l’équipe Sarkozy tente d’exclure la presse étrangère d’une conférence de presse donnée dans l’enceinte des Nations unies. « Avec nous, il ne peut pas relire et corriger » C’est naturel, se dira t-on, tous les politiciens préfèrent s’adresser à leurs électeurs. Après tout, les correspondants français aux Etats-Unis sont également ignorés par les attachés de presse des hommes politiques américains. Mais ce journaliste américain voit un autre motif de réticence de l’Elysée à l’idée de rencontrer ses compatriotes journalistes : « Avec nous, il ne peut pas relire et corriger les interviews » (à la différence de la presse française, la presse américaine n’autorise pas les personnes interviewées à relire la transcription de leurs propos). En janvier, Elaine Sciolino, la correspondante du New York Times à Paris, avait raconté dans son journal comment, après un entretien avec Jacques Chirac, les quelques journalistes y participant avaient reçu une retranscription corrigée de l’échange, dont avaient été effacées les déclarations les plus controversée. Ce qu’avait écrit Elaine Sciolino : « C’est une longue tradition du journalisme français d’accorder aux sujets d’interview, du Président aux personnalités de l’entreprise ou de la culture, la possibilité de modifier les textes d’entretiens en questions-réponses avant leur publication ». Lors de son premier rendez-vous avec la presse étrangère, en juin juste après son élection, Nicolas Sarkozy leur avait demandé d’éteindre leurs magnétophones : « On va tout faire en Off, on décidera ensuite de ce qui est On ». Abordage hasardeux à Wolfboro Après son entretien au New York Times et à l’International Herald Tribune le 24 septembre dernier, l’Elysée ne digère pas que l’interview n’ait pas fait la première page du grand quotidien new yorkais, et encore moins qu’Elaine Sciolino ait raconté la scène de la photo, quand Nicolas Sarkozy avait posé les bras autour des épaules d’elle et de sa consoeur en disant : « Je fais un beau métier... » Le président français n’est pas habitué à perdre le contrôle de sa communication. D’où la porte claquée au nez de Leslie Stahl, de CBS, qui l’interroge sur Cécilia, mais aussi la colère sur le bateau des photographes cet été à Wolfeboro (il avait demandé aux journalistes de rentrer chez eux, ce qu’ils n’avaient pas fait). Il faudrait pourtant que Nicolas Sarkozy s’habitue au fonctionnement de la presse américaine. La semaine prochaine, il sera à Washington, et on risque de l’interroger sur sa vie de « bachelor », que cela lui plaise ou non. A la fin du reportage de CBS, la journaliste lui demande pourquoi on le voit toujours dans les médias. Il lui fait remarquer qu’elle lui a aussi demandé un entretien. « Touché », dit-elle (un mot français passé dans le vocabulaire anglais). « Coulé », ajoute-t-il." Le texte a été reproduit sur le site de LDH-Dax (Ligue des droits de l'homme). Au delà de la grave faute de management consistant à faire en public des reproches à un employé, cette vidéo que la presse fançaise et étrangère a abondamment commentée appelle deux remarques : 1. tant qu'une émission n'est pas terminée, elle continue. Autrement dit, même si une journaliste vous dit "au-revoir" et déclare l'interview terminée (ce qui n'est pas le cas ici !), pas question de se détendre et de baisser la garde, encore moins d'avoir un mouvement d'humeur. Une caméra peut toujours tourner, et faire des ravages sur votre image. 2. le contrôle de l'image doit être fait "a priori" et non "a posteriori". Le contrôle a priori est un gage de qualité : c'est l'absence de faute commise dans la communication. Vous remarquerez la différence entre la communication de Jacques Chirac, et son image contrôlée de près par sa fille Claude, et celle de Sarkozy. En quelques mois, les fautes se sont accumulées : les vacances de luxe juste après l'élection, sa mauvaise tenue lors de la conférence du G8, sa tentative d'exclure la presse étrangère lors d'une conférence de presse donnée à l'ONU, etc. Communiquer beaucoup, c'est bien, bien communiquer, c'est mieux. A ce niveau, quand les nerfs lâchent, le risque est grand que l'image se fissure. Pensez toujours qu'une image met des années à se contruire, et qu'un rien peut la détruire. Notamment, l'agressivité, qui n'est jamais perçue de façon positive par le spectateur. C'est l'agressivité Séglène Royal et son énervement face au calme de Sarkozy qui ont fait perdre son débat à la candidate du PS. Enfin, pour en revenir au contrôle de l'image, le contrôle a priori est une necessité pour l'homme politique (ne pas commettre de faute, et ne laisser filtrer que ce qui est en cohérence avec l'image qu'il veut donner de lui). A l'inverse, le contrôle a posteriori (la relecture des textes de la presse) s'apparente à la censure et à l'atteinte à la liberté de la presse. Une méthode qui fleure bon les pays totalitaires... ceux où la presse est aux ordres et peut être complètement contrôlée. Normalement, si vous pouvez aujourd'hui lire ce texte, c'est que la France n'est pas dans ce cas (cf. tout de même l'article sur la liberté de la presse en 2006 sur ce blog). Ce qui est très ennuyeux, c'est que lorsque ce contrôle a posteriori devient nécessaire, au point d'être une condition pour la présence de journalistes à une conférence de presse, il est aussi le signe d'une incapacité de l'orateur à maîtriser son discours, sa gestuelle et son image. Curieux pour Sarkozy, qui devrait être habitué "au media training". Cela dit, l'époque où le marketing politique pouvait conseiller de "dominer le media dominant" est ici révolue. Aujourd'hui et dans les pays occidentaux, la multiplication des médias et la difficulté de contrôler le net font que toute tentative de contrôle de l'image a posteriori est une erreur. Les bourdes ne se réparent pas. Elles s'évitent. PhB.
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Commentaires
P
Le document de CBS est long (pas loin de 14 minutes). Vous trouverez les passages concernant l'attitude de Sarkozy vis-à-vis de son collaborateur et de la journaliste aux alentours de 5'40" (ça dure environ 20 secondes), puis peu de temps avant la fin de la séquence. De fait, l'intégralité du spot est passionnante et montre de nombreuses facettes de la communication d'un homme politique.
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