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Le blog de Philippe Bensimon
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10 novembre 2007

Elections au Conseil d’Etat suisse du 21 octobre : les leçons d’une campagne électorale, et ses conséquences pour la France.

Les scores : l'UDC (Union Démocratique du Centre, parti de la droite conservatrice et économiquement libérale), après une campagne de marketing politique basée sur le racisme et la xénophobie, a vu son poids passer de 26,6 % à 29 %. C'est le grand gagnant de ces élections (cf. article ci-dessus). Le Parti radical (15,6% des suffrages au plan national), qui a cru pouvoir fréquenter l'UDC durant la campagne, s'est fait phagocyter par elle après l'avoir crédibilisée. Le PDC (démocrates chrétiens) obtient 14,6% des suffrages après une campagne jugée « tranquille » en faveur de la famille. Il est vrai que le PDC, qui doit à l'UDC la perte de leur second siège au Conseil fédéral il y a quatre ans de cela, y regarde maintenant à deux fois avant de lorgner vers l'extrême droite. Les Verts de leur côté tirent bien leur épingle du jeu. Les deux partis écologistes , avec 9,6 et 1,4 % des voix, doublent presque leur pourcentage, en surfant sur les menaces qui pèsent sur la planète, et sur la vie des enfants. Enfin, le PS avec 19,5 % des suffrages est effondré. Il perd 16 % de son électorat, notamment en Suisse alémanique. L'analyse de Jean-Claude Crevoisier (Article paru le 28 octobre 2007 sur le site www.courant-d-idees.com) est intéressante : après avoir noté la bonne résistance de la Suisse romande et des cantons de Vaud, de Fribourg et surtout du Jura, il constate : « Globalement le PS paye cash ses graves erreurs de campagne : - Erreur sociologique d'abord; le PS n'est aujourd'hui plus à l'écoute d'une grande partie des catégories sociales qu'il est censé défendre. Les responsables du parti semblent l'avoir oublié; l'électeur socialiste d'origine n'est pas seulement un urbain, enseignant ou fonctionnaire en pleine activité professionnelle. D'autres travailleurs, salariés ou parfois chômeurs, fragilisés par l'évolution de l'économie, insécurisés face à un avenir qu'ils ne maîtrisent pas, confrontés à des problèmes de voisinage, attendent certainement plus que des déclarations d'intention et des paroles réconfortantes à la limite condescendantes. L'attention des moins politisés d'entre eux (et ils sont nombreux) a été captée par le discours simpliste de l'UDC qui, ignorant superbement (et pour cause) leurs vrais problèmes, leur a notamment proposé un bouc émissaire, l'étranger, d'autant plus commode à attaquer qu'il n'a pas de voix, politiquement parlant. - Erreur de marketing aussi; le PS s'est enfermé dans une logique presque exclusivement anti-blocherienne. Il a fait de la non-élection du Conseiller fédéral un des axes principaux de sa campagne. Il a de ce fait permis au personnage d'être en continu sur le devant de la scène. La règle du marketing "Peu importe qu'on parle en bien ou en mal, l'important c'est de faire parler" a été parfaitement comprise et maîtrisée par l'UDC. L'annonce du PS de vouloir l'exclusion d'un de ses Conseillers fédéraux a en outre permis à l'intéressé de se victimiser en exploitant massivement et sans vergogne la thèse d'un complot contre sa personne; une thèse qui lui a fourni l'occasion de mener une campagne personnelle démesurée, avec les moyens financiers que l'on sait. Cette volonté quasi obsessionnelle du PS et cette récurrence dans sa propagande ont occulté et rendu inaudibles ses autres propositions. À l'exception peut-être de sa demande totalement irréaliste et sans impact électoral d'ouvrir le Conseil des États aux représentants des grandes villes. - Erreur politique enfin ; en visant une bipolarisation aux Chambres fédérales, bipolarisation dont il prétendait être, presque à lui tout seul, l'un des deux protagonistes, le PS a enterré trop vite un centre qui, malgré son éclatement et ses faiblesses programmatiques, continue de représenter un bon tiers de l'électorat. Le PS a cru pouvoir ignorer que la gouvernance de ce pays, pour longtemps encore, nonobstant le résultat de l'UDC, reste affaire de coalition et de concordance. Ainsi, à défaut de savoir apparaître comme un partenaire fiable autant que crédible, le PS s'est volontairement isolé. Le roi (ou celui qui se croyait tel) s'est finalement retrouvé nu ! » Au delà de ces résultats, que nous apporte cette élection ? D'abord, la confirmation d’une tendance. Car la France n'est pas très éloignée de la Suisse, à la fois géographiquement, sociologiquement, et culturellement. Ce n'est pas un hasard si la France bascule vers une droite de plus en plus dure, si Nicolas Sarkozy lorgne vers l'électorat du FN par le biais de "l'identité nationale" et d'une politique vis-à-vis des sans papiers qui a déjà fait plusieurs morts, dont au moins une fillette tentant d'échapper à la police, si l'amendement Mariani — même revu à l'automne par Brice Hortefeux — a fini par être voté contre l'avis du Comité National d'Ethique, et si la Suisse voit dans le même temps se gonfler les effectifs de l'UDC. Le 24 octobre 2007, Geneviève Sevrin, la présidente d'Amnesty International France, concluait ainsi son édito dans le mensuel "La chronique" : « Il relève de notre mission de repousser le « vent mauvais » qui stigmatise les étrangers, assimile les personnes à des statistiques, des quotas à respecter, entend redéfinir la famille sur des critères de pureté de la filiation au détriment des valeurs de solidarité et de fraternité. » Indépendamment des opinions personnelles que chacun est libre de porter, le « vent mauvais » du racisme et de la xénophobie constitue une tendance lourde, qui se développe en Europe depuis plus de trente ans. Il n’est plus possible aujourd’hui de ne pas en tenir compte et de faire comme si de rien n’était. Ensuite, au niveau du marketing politique, nous constatons quatre choses : 1. Les discours les plus simples sont souvent les meilleurs, et presque toujours les plus efficaces. La simplification à l’extrême, y compris au détriment de la vérité, est généralement payante. 2. Le conseil de Jacques Séguéla, qui disait : « les électeurs veulent du spectacle, pas de la banalité » a lui aussi payé. Skinheads, bagarres de rues, incitations à la haine raciale, affiches choc, pour ne pas dire choquantes : l’UDC a mis soigneusement le principe en application ; 3. Mieux que la pub, il y a la « pub de la pub ». Les meilleures campagnes, en marketing politique comme en marketing des produits de grande consommation, ce sont celles dont on parle. Que les médias s'emparent de votre publicité, et c'est le succès assuré. Qu'importe si c'est en bien ou en mal, l'important, c'est qu'on parle de vous. Et surtout, qu'on en parle gratuitement : du moment qu'ils relaient votre message, les medias vous aident. Pensez que l’affiche du « mouton noir » se retrouve aujourd’hui jusque sur le blog d’un homme politique breton du PS ! PS qui, en Suisse, a considérablement contribué à la médiatisation de l’UDC Christophe Blocher. Même les procédures qui ont été intentées contre lui et sa campagne devant les tribunaux ont encore contribué à son succès. Même moi, « à l’insu de mon plein gré », je continue en en parlant sur ce blog-site à apporter une pierre bien involontaire à son édifice ; 4. La famille est une valeur porteuse, comme on pouvait le prédire à partir des tendances américaines (cf. nos articles précédents), de même que l'écologie. LePDC et les deux partis écologistes suisses en ont profité. La encore, ce sont des tendances lourdes qui s’affirment, et qu’on devrait pouvoir retrouver dans nos prochaines élections françaises. Ph B.
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